Zou Desbiens - Artiste

Motivée par l’envie de s’éloigner des aspects esthétiques traditionnels en métiers d’art du verre, soit la fonction utilitaire, les couleurs vives et les prouesses techniques, Zou Desbiens a grandement épuré la présentation de ses œuvres. Elle s’est plutôt concentrée sur ce qui la fascine le plus dans le verre, c’est- à-dire son intime relation avec la lumière. Et c’est dans cette optique que les techniques de photographie à l’argentique se sont imposées dans son travail au cours des dernières années.

Au fil de ses recherches plastiques, elle a découvert la notion de symétrie auto-organisée, présente dans une majorité de motifs dessinés par la nature. Par exemple, les schémas d'ondulation sur un bord de mer sont créés par une multiplicité de facteurs contributifs, y compris les marées, le courant et les vents. Il en résulte un motif à la fois infiniment répétitif et infiniment variable1. Dans le confucianisme, ces phénomènes naturels se nomment les Li et renvoient directement au travail actuel de Zou Desbiens. Selon cette vision plus poétique de la nature, les Li sont des formations dynamiques donnant l’impression d’un moment figé, à travers un processus dans lequel le principe de l’énergie s’engage avec celui de la forme2.

Dans le travail de l’artiste, ce phénomène se reproduit de différentes façons, à commencer lors du façonnage à chaud des pièces de verre en provoquant volontairement des marques de froid donnant un aspect ondulé sur sa surface. L’artiste agit alors sur de multiples facteurs influençant la matière, en provoquant des ondulations naturelles et auto-organisées selon les propriétés physiques du verre. Par la suite, certains de ces morceaux de verre serviront comme des sujets de photogrammes en les posant directement sous l’agrandisseur en chambre noire et c’est alors le moment où l’onde dynamique de la lumière traverse l’immobilité du verre que le principe du Li se manifeste sur le support photosensible. Puisque non seulement chaque moment en chambre noire est unique, mais également que chaque morceau de verre est différent, avec son histoire thermique et physique, il en résulte une abondance de motifs immortalisés selon une organisation formelle très similaire à celle retrouvée en nature : sur les dunes, au fond de l’eau, dans les veinures d’un feuillage.

D’autres de ces pièces de verre artisanale s’introduisent comme outil de distorsion à même une prise de photo, interprétant sur le vif une portion du paysage ou d’un portrait. D’autres encore serviront de support pour une technique photographique ancestrale, celle du collodion humide, qui permet de transformer presque n'importe quel matériau en support photosensible. Outre donc, l’effet texturé du verre lui-même sur la pièce, on peut voir en transparence un portrait ou un morceau de paysage, sujets favoris de l’artiste.

L’ensemble de son travail explore avec une douce poésie et une certaine nostalgie un rapport à la fois intime et universel à la nature et aux territoires dans leur textures, vues d’ensemble et morcellement.

S’ajoute à cette démarche le processus de photographie argentique, qui implique la capture d’un moment précis dans le mouvement imperceptible de l’onde lumineuse et qui, avec les chimies nécessaires à la révélation des images, ajoutent toute une série de facteurs susceptibles de causer l’unicité des compositions picturales finales. Paradoxalement, pour créer des images aussi dynamiques, dans lesquelles on perçoit carrément le mouvement, Zou Desbiens a dû apprendre à se conforter dans l’absence de lumière de la chambre noire pour être en mesure d’en saisir tout un éventail de subtilités. En définitive, le point de départ de son travail, l’objet de verre, est libéré de son aspect formel, technique, coloré, utile, pour s’exprimer par le motif de sa nature même, mis en relief par un dosage précis de lumière.

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1 David Wade (2006). Designa: Technical Secrets of the Traditional Visual Arts.

2 David Wade (2003). Li: Dynamic Form in Nature.